Du 01/01 au 30/07

Lettre d'information n°23

La lettre d'information n°23 de janvier 2025 est parue
Du 28/02 au 01/03

Stages énergie Bretagne

Production de l'énergie à bord, son utilisation et son stockage .
Le 22/03

AG 2025 à Trégarvan (29)

Au bout du Monde, entre Terre et Mer, au pied du Ménez-Hom, rendez vous à Trégarvan
Du 15/06 au 23/06

Rallye Asturies & Cantabrique

8 jours de Ribadeo à Bilbao sur la côte espagnole
Du 29/05 au 09/06

Rallye Méditerranée 2025

Cette année l’AvRM vous embarque vers Majorque
Du 08/07 au 14/07

Rallye en Cornouailles

Rallye en Cornouailles anglaise pour découvrir les plus beaux sites de cette côte
Du 16/05 au 17/05

Stage Réglage des Voiles

Ce stage aura lieu aux Sables d’Olonne. Les inscriptions seront ouvertes le 15 janvier
Du 26/04 au 27/04

Formation Mécanique Diesel

Stage de 2 jours avec Escale Formation Technique à Lorient
Du 07/06 au 09/06

RM CUP 2025

La RM Cup Organisée par RM-YACHTS se déroulera à La Rochelle
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Comment préparer son voyage

Préambule

Réflexions à l’usage de ceux qui rêvent de traverser La Gouille, et cherchent d’excellentes raisons de ne pas le faire !

Notre voyage cette année s’est divisé en trois grandes parties :

  • La descente de la méditerranée de Port Camargue à Gibraltar,
  • La traversée de l’Atlantique de Gibraltar à Marie Galante,
  • Les Caraïbes.

La deuxième partie en quatre étapes (Gibraltar Madère, Madère Canaries, Canaries Cap Vert, Cap Vert Marie Galante) a été la plus marquante, et je voudrais vous faire part de quelques réflexions en vrac. Il ne s’agit ni d’un guide de traversée, ni d’un listing de prescriptions, que vous pourrez trouver sans peine sur le web, mais de ressentis désordonnés et humbles après un moment fort.


Pourquoi traverser l’Atlantique ?

C’est une question à laquelle je n’ai toujours pas trouvé de réponse… sans doute parce qu’il y en a trop…


En quelle saison traverser ?

La question ne s’est pas posée à nous, nous étions dans le cadre du rallye et la date nous était imposée (début novembre de La Palma). Cela nous a sans doute amenés à partir un peu tôt en saison. Sinon il y a plusieurs éléments de décision : La meilleure époque d’après le Pilots Charts se situerait fin janvier début février, ce qui ne laisse jusqu’à la saison cyclonique (juin) que trois mois dans les Caraïbes, d’autant que les météorologues semblent prévoir des saisons cycloniques de plus en plus larges (mai à novembre) Il faut aussi tenir compte d’un éventuel retour en métropole pour les fêtes, des prix des vols en fonction des dates, etc… De nombreux ouvrages traitent du ce sujet, en particulier les Pilots Charts, les livres de Jimmy Cornell… Bon courage…


A quel âge traverser ?

Je n’ai trouvé aucun ouvrage qui traite de ça. La réponse évidente est forcément stupide : le plus jeune possible. Sans être un exploit, une transat est une réelle aventure qui nécessite une importante dépense physique, moins appropriée à un âge avancé. C’est évidemment à moduler en fonction du bateau… En général, de sordides considérations économiques contrarient ce truisme. L’âge de la retraite cumule le temps libre et un relatif pouvoir d’achat, mais sauf révolution sociale improbable, cet âge ne devrait pas diminuer. En ce qui nous concerne, et sur Rocking Chair qui est plutôt un bateau physique, il ne nous fallait pas trop tarder…


Quel bateau ?

Quasiment n’importe quel bateau peut traverser l’Atlantique ! Les bateaux modernes, plus ou moins bien conçus ou construits, ont néanmoins tous les qualités intrinsèques pour ça, Quand aux plus vieux bateaux, le critère est surtout le niveau d’entretien. On voit toutes sortes d’engins, en gros il suffit que ça avance vent du cul ! Les contraintes économiques seront sans doute déterminantes. Il faut tout de même songer que plus un bateau va vite, moins la traversée dure et est dure… Sur un bateau pas prévu pour ça dès la construction, il vaudra mieux tout de même prévoir des aménagements spécifiques, par exemple réservoirs eau et fuel supplémentaires, rangements (éventuellement en supprimant un couchage), blocage des planchers… Rocking Chair était parfaitement adapté à l’exercice, confortable, rapide et sûr, mais peut-être parfois un peu trop puissant pour son équipage. Il nous a tout de même brillamment conduits à bon port.

Compte tenu de notre âge (et de notre condition physique), un Amel ou un cata auraient peut-être été plus adaptés… Mais on ne fait pas la Route Des Grandes Alpes avec un vélo électrique !


Quel équipage ?

Il est évidemment essentiel de bien s’entendre. Le confinement sur un petit voilier peut exacerber les tensions, même sur une durée limitée de 15 à 20 jours. C’est ouvent une question de bonne éducation…A l’arrivée du rallye, certains équipages ne repartiront pas en vacances ensemble, mais pour la majorité ça s’est très bien passé. Le nombre d’équipiers dépend évidemment du bateau. Le problème n’est pas le même sur un voilier de 20 mètres ou sur un catamaran tout électrique, et sur Rocking Chair à la force des bras. Le surpeuplement, s’il distribue les tâches et multiplie la main d’œuvre pour les manœuvres, ne facilite pas la cohabitation. Il faut aussi tenir compte de la capacité de charge du bateau : Un équipier supplémentaire, c’est de l’eau et des vivres en plus (certains bateaux ont dû rationner à l’approche des Antilles)… Sur Rocking Chair nous avons été quatre de Gibraltar au Cap Vert, puis trois pour la grande traversée. Les quatre étapes se sont remarquablement bien passées, mais quatre équipiers est décidément la configuration idéale pour des longues traites sur ce bateau (un grand merci à nos équipiers, Daniel et Isabelle, Gwen et Gwen, et Julien qui a fait la grande étape).

En tout cas, à moins d’avoir une condition physique d’athlète ou de participer à La Transquadra (ce qui revient au même) je déconseille fortement de partir à deux, encore moins en solo…


Quel trajet ?

Nous avons suivi la route traditionnelle et touristique qui va de Gibraltar vers les Canaries en passant par Madère, puis des Canaries aux Caraïbes en passant par le Cap Vert. Passer par le Maroc (plutôt que Madère) peut être une alternative sympathique, mais la navigation de nuit le long de ses côtes est réputée dangereuse. Venant de Gibraltar vers Madère, il vaut sans doute mieux remonter la côte Espagnole vers Cadix, pour contourner des hauts fonds (l’Ile submergée Spartel que certains assimilent à l’Atlantide) qui lèvent une forte mer sur la route directe. Nous ne l’avons pas fait, et nous sommes bien faits secouer ! Madère vaut bien au moins une semaine d’escale. Nous avons passé plus d’un mois aux Canaries, et ces îles aussi le valent bien (avec un énorme coup de cœur pour Lanzarote !). Nous ne sommes restés qu’une semaine eu Cap Vert, dont du temps à réparer et à affiner la préparation du bateau, c’est un de nos regrets. Si on a un délai très resserré, il vaut mieux sacrifier un mois aux Antilles au profit des îles de l’Atlantique oriental


Le Rallye

Nous avons décidé de traverser dans le cadre d’un rallye. Au départ nous souhaitions partir avec l’Atlantic Odyssey de Jimmy Cornell, mais celui-ci a décidé d’arrêter de l’organiser en 2018… Restent donc l’ARC et le RIDS. Le premier est anglophone (petit problème) et fait partir près de 400 bateaux (gros problème…). Ce sera donc le Rallye Des Iles Du Soleil. Pourquoi un rallye ?

Inconvénients du rallye

  • Prix de l’inscription
  • Stage World Sailing obligatoire. Au-delà du prix de la formation, la baignade au large en mars à La Rochelle n’est pas l’expérience la plus glamour du voyage...
  • Exigence d’un important matériel de sécurité, d’une onéreuse pharmacie et de nombreuses et encombrantes pièces de rechange.
  • Pratique du groupe et de la collectivité du rallye modérément engageante (et encore, il n’y a que 25 participants !)
  • Dates de départ imposées, et tôt en saison, avec un risque de mauvaise météo qui s’est avéré. En effet, cela nous a valu de partir avec une prévision de synoptique de 30 à 35 nœuds… qui nous sont effectivement tombés dessus !

Avantages du rallye

  • Stage World Sailing. Ce stage s’est révélé très instructif, voire indispensable sur le plan de la sécurité. C’est une véritable prise de conscience de mauvaises habitudes que nous traînons tous (ou presque…)
  • Le fait d’emporter un important stock de matériel de sécurité est rassurant et prudent, même si par principe les problèmes qui arrivent sont ceux que l’on n’avait pas envisagés
  • L’entente parmi les participants s’est révélée excellente. Nous avons rencontré certains que nous reverrons sûrement, et évidemment d’autres qui étaient moins proches. Les opérationnels de l’organisation ont en outre installé une très bonne ambiance et organisé des événements très sympathiques, avec en particulier un accueil à l’arrivée à Marie Galante enthousiaste et chaleureux digne d’un Vendée Globe. A lui seul il balaye toutes les réticences !
  • Dates de départ imposées : Je pense que si l’on attend d’avoir une bonne météo sur trois semaines pour partir, on passe l’hiver au mieux au Cap Vert et au pire aux Canaries (on peut même ne pas partir du tout…Qui trop écoute la météo perd sesforces au bistrot).
  • La sécurité offerte par le rallye n’est pas négligeable ; il ne faut pas compter sur les autres bateaux de la flotte, dès le deuxième jour, on ne voit plus personne, on ne copie plus personne à la VHF, la flotte s’étale sur plus de 400 milles et on ne reçoit plus d’AIS. Mais grâce au tracking mis en place sur chaque bateau, les organisateurs nous suivent heure par heure et peuvent déclencher les CROSS (Gris Nez ou A.G.) qui déroutent un cargo en cas de problème. Le fait pour les proches de suivre laprogression du bateau jour par jour sur le site du rallye est un plus indéniable.

Comment ça se passe ?

Une transat entre l’Europe et le nouveau monde se fait au portant, voire au vent arrière, dans la brise. Cela veut dire que très rapidement (quelques heures après le départ), faire demi-tour est quasiment impossible : qui envisagerait de faire 100 ou 200 milles au près dans du vent fort et une mer de 2 à 3 mètres minimum ? Une fois cette donnée intégrée, la météo sert plus à se préparer au temps qu’on va recevoir qu’à l’éviter !

La vie à bord s’installe assez rapidement dans un bateau qui roule bord sur bord. Les assiettes et les verres valsent régulièrement (prendre des sets de table antidérapants). Nous faisions des quarts de deux heures toutes les six heures, ce qui permet de dormir deux fois quatre heures par nuit. Il ne faut pas négliger de s’accorder à tour de rôle des périodes de repos ou de sommeil en plus dans la journée. Julien a eu du mal à s’adapter à ce rythme. Et il lui est arrivé à plusieurs reprises de lutter contre le sommeil pendant ses quarts, par contre, cela m’a bien convenu. Tout l’équipage se retrouvait ensemble aux repas qui sont un moment privilégié. Les tâches du bord se répartissent, mais Isabelle pense qu’elle a fait plus de cuisine et de vaisselle que moi (nous ne disposons d’aucune statistique fiable sur ce sujet) …La cuisine est un facteur essentiel de résistance. Les bords où on mangeait bien et chaud se sont mieux supportés. L’apéritif et le vin ne sont pas mal non plus, mais attention, commencer un quart avec 2 grammes altère sensiblement la veille (et c’est moi qui dis ça) !

Les manœuvres rythment la navigation au fil des grains. Une journée moyenne présente huit à dix grains. On en évite deux, et on prend le troisième ! Ça fait bien trois à quatre par jour qu’on n’a pas évités… Dans un synoptique de 20 à 25 nœuds minimum, un grain en rajoute 10 à 15, avec une bascule de 10 à 15 degrés… Donc réduction dans le grain (en général un ris de plus), et renvoi dans la molle après. Julien a déclaré qu’il avait pris plus de ris en quinze jours que dans toute sa vie ! La nuit, au bout de deux à trois manœuvres, on finit par ne pas renvoyer, et on reste sous toilés jusqu’au matin.

Mais il ne faut pas réduire une transat à ces aspects contraignants. Ce sont aussi des moments d’une fascinante beauté : des envols de poissons volants aux éclairs d’argent, des oiseaux de mer qui nous accompagnent, jouent avec les haubans et sont fidèles chaque matin, des éclats de couleurs magiques dans les lames qui déferlent, des couchers de soleil de feu, des ciels nocturnes d’une incroyable pureté, des simples joies d’être en mer, une solitude propice à l’introspection, mais aussi des moments de complicité, de partage et de bonheur…


Quels équipements ?

  • Pour l’équipement de sécurité, on peut se référer à la « division L240 », minimum légal, et aux prescriptions ORC. Il est à mon sens essentiel de prévoir un bon grab bag en cas d’évacuation du bateau, avec au moins une PLB à défaut d’une EPIRB (en plus de celle obligatoire), une VHF étanche (en plus de celle obligatoire), des fruits secs et des gâteaux en emballage étanche et de l’eau minérale en petites bouteilles (les rations de survie des bibs de sauvetage sont carrément immondes !)… La protection contre le feu est primordiale, le moindre départ d’incendie conduit en général l’équipage dans le bib. Nous avions aussi une SART AIS chacun, et avons porté le gilet quasiment en continu. Sous de grosses averses tropicales, deux se sont gonflés inopinément. Prévoir plusieurs cartouches supplémentaires, et vérifier que c’est les bons modèles ! Préférer les déclencheurs à pressostat plutôt qu’à pastille. Avoir une combinaison de survie par personne n’est pas obligatoire, mais pas inutile…
  • En ce qui concerne la pharmacie, le rallye avait des recommandations pléthoriques (au-delà de celles du CCMM). Nous n’avons pas utilisé cinq pour cent des médicaments embarqués, Nous n’avons dieu merci pas réduit de fracture, ni suturé de plaie, bien qu’au stage, en guise d’entrainement, j’aie torturé sans vergogne et sans succès des oranges à coup de fil et d’aiguille chirurgicaux, mais cette trousse ultra complète est une assurance sur d’éventuels accidents et surtout sur le stress.
  • Pour l’équipement de pont, ne pas sous dimensionner les winchs, faire réviser ses voiles, elles seront très sollicitées, elles doivent être solides, mais pas forcément neuves, et de toute façon elles seront vieilles à l’arrivée... Vérifier tout le gréement courant, lui aussi va souffrir, et il faudra le changer ensuite. Ne pas partir avec un gréement dormant trop vieux. Les poulies font partie des consommables, (nous en avons éclaté cinq ou six), en prévoir plusieurs en rechange. Si c’était à refaire, je ferais faire un tangon en carbone. Nous avons en effet reculé face à l’utilisation du notre qui pèse un âne mort et se balance au gré du (fort) roulis en balayant dangereusement le pont. Nous avions aussi un frein de bôme très utile pour contrôler les empannages et les fausses pannes, et une manivelle électrique pour assister nos forces défaillantes.
  • Pour la navigation, depuis la baisse de popularité du sextant, le GPS est indispensable… en prévoir plusieurs, y compris à piles. Une cartographie électronique n’est pas indispensable sauf pour recevoir des fichiers météo, mais c’est tout de même une aide considérable (en général, prévoir du matériel de secours sur piles en cas de panne généralisée d’électricité). A mon sens un émetteur récepteur AIS est très fortement conseillé. J’avais tout de même un sextant à bord, mais sans doute par manque d’entrainement, mes droites de hauteur n’ont pas été concluantes (un positionnement sur les contreforts du Massif Central alors que nous nous pensions dans le Golfe Du Lion a sérieusement altéré ma confiance).
  • L’équipement le plus important est le pilote automatique. Il va travailler énormément, il ne faut pas le sous-dimensionner (en particulier le vérin), et il va faire beaucoup de vent arrière. Pour cela, le coupler à une bonne centrale de navigation qui dispose d’une fonction vent réel est d’une grande aide pour suivre les bascules sous les grains. Sur Rocking Chair, je vais installer un second pilote, moins sophistiqué que le NKE, et indépendant. Sur les 24 bateaux du rallye, 5 ont eu des avaries de pilote. C’est la pièce de rechange la plus indispensable, ça peut carrément gâcher une traversée et être dangereux, même s’il ne s’agit que de faire 200 à 300 milles en méditerranée !
  • Nous avions oublié d’emmener des sets de table antidérapants. Cela s’est avéré un handicap important. A tous les repas, tenir son assiette d’une main sans pouvoir la poser en maintenant dessus des aliments de diverses propriétés physiques. de l’autre son verre plein, et se servir de couverts tient de la prestidigitation… Quelques centimètres carrés d’antidérapant changent la vie !

L’autonomie

L’eau, le fuel et l’électricité sont les consommables qu’il faut surveiller. Le pilote automatique et le frigo sont de gros consommateurs de cette dernière, et il faut la produire sans diminuer les réserves de fuel : il faudrait faire tourner le moteur environ 3 heures par jour pour recharger complètement les batteries (et encore sans dessalinisateur, congélateur, machine à laver etc…), soit au minimum 7.5 litres de fuel par jour et 150 litres sur la traversée. Certains bateaux du rallye, peu économes en Kilowatts sont tombés en panne sèche quand l’alizée a disparu sur les derniers jours ! Rocking Chair est équipé d’une éolienne, de deux panneaux solaires (2x105w) et d’un hydro générateur, nous étions autonomes en électricité, et n’avons utilisé nos réserves de fuel (300l) que pour progresser dans la panne d’alizé des 36 dernières heures. Quant à l’eau, en faisant raisonnablement attention (vaisselle et douches à l’eau de mer et rinçage à l’eau douce), nous avons consommé la moitié des réservoirs (300 litres sur 600), et bu les deux tiers des 200 litres d’eau minérale (plate et gazeuse) en bouteilles embarqués.


Les communications

Le temps a disparu où Moitessier lançait ses messages avec un lance pierres sur la passerelle des cargos qu’il croisait. L’électronique a supplanté l’élastique dans les communications. La VHF est obligatoire, mais disons-le, elle ne sert à rien sur une traversée… au bout de 24 heures, c’est le monde du silence ! La BLU est (très) peu utilisée, elle est compliquée d’installation et d’utilisation, gourmande en énergie et chère (il est sans doute possible d’en trouver d’occasion). Le téléphone satellite Iridium est aujourd’hui le plus pratique, soit en traditionnel, soit en Iridium Go. Il faut tout de même compter environ 1 euro par minute de communication vocale, mais le trafic datas est beaucoup moins cher (gratuit en Iridium Go). Pouvoir envoyer un post quotidien à nos contacts à terre était un plaisir (j’espère que c’en était un pour eux aussi…). Mais tous les matins, envoyer la position et le statut à l’organisation, récupérer la position des autres participants du rallye, la météo, le routage et les messages me prenait au minimum une heure de « travail administratif » à la table à cartes ! (En fait, j’aime bien ça…)


La météo

Compte tenu que tout demi-tour est impossible et que peu après le départ les pieds ont quitté le plongeoir, la météo au grand large sert à atténuer les coups et à optimiser la route, c’est-à-dire principalement à savoir quand empanner ! J’utilisais trois sources, toutes trois à travers Iridium :

  • Les fichiers GRIB, uniquement GFS, obtenus sur requête par mail, par exemple sur Saildocs. Compte tenu du faible débit, on obtient une prévision sur 5 à 7 jours avec un pas important, intéressante pour comprendre la situation générale, mais trop courte pour faire son routage, sauf à la fin.
  • La météo donnée par l’organisation du rallye. Relativement succincte et portant sur une zone englobant les positions de tous les participants, elle constituait un minimum syndical !
  • J’ai fait appel à deux routeurs, un pour Gibraltar-Les Canaries, l’autre pour Les Canaries-Marie Galante. Le premier ne nous a pas donné satisfaction, je recommande le second : Commander’s weather (https://www.commandersweather.com). Un (bon) routeur est une aide considérable à la navigation et à la décision. Les messages sont didactiques, pertinents, sur un ton amical, rassurent et prennent en compte les remarques. C’est la mission qu’on peut attendre d’un vrai routeur. Je ne m’embarquerais plus pour une traversée sans ça.

L’analyse météo qui synthétise toutes ces données et les confronte à l’observation directe du baromètre, du vent et du ciel pour décider de la route, faisait partie de mon « travail administratif » du matin.


Quel avitaillement ?

Une transat se prépare sérieusement, et le rôle du bosco (et du cook !) est primordial ! (merci Isabelle !). Plusieurs mois (années…) avant le départ, nous avions goûté de nombreuses conserves (boîtes et bocaux) et sélectionné de quoi se faire plaisir au large. Echapper aux raviolis sauce tomate bas de gamme au vague goût de Ketchup et au cassoulet dont l’unique vertu est gazeuse nous paraît aussi fondamental que de prêter attention à ses fusées de détresse ! Il est tout aussi important de varier les menus (je n’étais pas loin de vouer une haine éternelle à tous les canards de la création après quatre repas consécutifs à base de ce volatile !).

Je n’ai pas souhaité embarquer de bouteille de vin verre pour la traversée, pour éviter de me retrouver avec les fonds et les planchers garnis de tessons en cas de casse. Nous avions donc choisi du vin en « Bag in Box » que je transférais au fur et à mesure. J’avais sélectionné pour ça des bons produits avant le départ, mais au cours du voyage, il a été difficile de retrouver de la qualité ! On a fait avec tant bien que mal…

Tout au long de la descente jusqu’aux Canaries, l’approvisionnement se fait dans les mêmes conditions que dans n’importe quelle croisière sur les côtes Espagnoles : Grand supermarchés très bien achalandés et prix raisonnables, fruits et légumes abondants mais tous issus de l’agriculture sous serre (On en trouve par contre de très bons sur les étals des vendeurs de rue), viande plutôt porcine que bovine ou ovine, pain local…

Nous nous posions beaucoup de questions sur la possibilité d’avitailler au Cap Vert. En fait, nous n’avons pas eu de mauvaise surprise. S’il ne faut pas compter faire un avitaillement complet du bateau à Mindelo, les petits supermarchés permettent de compléter très convenablement le fonds de vivres, et les magasins de rue et le marché fournissent des fruits et légumes frais et bons (demander plutôt des produits qui n’aient jamais fait de séjour en frigo pour les conserver plus longtemps). La viande est un produit rare, et sa découpe ne relève pas des standards du Charollais ou du Simmental… Nous avons tout de même mangé des légumes et fruits frais quasiment jusqu’à mi-parcours.

Bien que nous ne soyons pas pécheurs, j’avais acheté avant le départ un matériel complet. Les Gwen’s l’ont inauguré avec succès.

J’avoue que la dorade coryphène à la Tahitienne avait un goût sympathique ! Mais l’heure de nettoyage du bateau après la partie de pêche ne m’a pas converti…

Par-dessus tout, il ne faut pas oublier, même sans être Curnonsky, qu’un bon repas chaud pris ensemble dans la brafougne est un moment de réconfort et de convivialité essentiel pour les équipages « glissants sur les gouffres amers »…


Le retour

Nous avions décidé dès avant notre départ que Rocking Chair effectuerait le retour vers l’Europe en cargo, et nous avions réservé le transport. J’angoissais au sujet de la manutention, mais c’était à tort, tout s’est bien passé. La transat retour est plus aléatoire que l’aller, et climatiquement moins agréable : « Il vaut mieux enlever les couches de polaire au fur et à mesure de la traversée que l’inverse ! ». Si on tient à la faire, à mon sens, un très bon routage s’impose, il faut jouer en latitude entre les dépressions Atlantiques et les calmes au nord de la zone des Alizées. Cette année, en plus, un certain virus a brouillé les cartes en provoquant la fermeture de tous les ports de l’Atlantique et de la Méditerranée !


La casse matérielle

En une année courante de croisière côtière et semi hauturière Rocking Chair parcourait environ 1000 milles en moyenne. En un an nous en avons parcouru près de 8000, dans des conditions de vent plutôt musclées. Il est donc naturel qu’il y ait de la casse, même si, durant toute la traversée j’ai tenté de l’éviter. Tout le gréement courant a été changé ou va l’être, nous avons cassé une demi-douzaine de poulies, deux boitiers de lattes et un mousqueton de drisse de spi. Deux lattes ont tenté de nous quitter juste au départ de La Palma, du coup nous avons cousu tous les goussets.

Peu après l’arrivée, l’électronique nous a lâchés à cause d’une soudure rongée par l’humidité, et la bôme a pris sa liberté, l’axe du vit de mulet étant sorti à la suite du cisaillement de sa goupille de blocage (ne jamais réutiliser de goupille usagée). L’écran de l’ordinateur de la table à cartes donne des signes de fatigue, nous prévoyons son changement. Nous avons eu une petite déchirure sur le guindant de la grand-voile pendant la traversée, cela m’a inquiété sur le coup, mais il ne s’agissait que d’une protection, la ralingue en spectra n’était pas touchée et elle a été rapidement réparée à Pointe à Pitre. Je prévoyais de changer les voiles au retour, mais finalement, les North ont bien résisté, j’espère qu’elles pourront encore faire une saison ou deux, ce qui tombe bien, la liste des dépenses prévues s’en passera très bien…


Le bilan

La traversée de l’Atlantique n’est de nos jours plus du tout un exploit, mais ça reste une vraie tranche de vie. L’éloignement, l’isolement, la durée en font une expérience intense, en particulier les quinze jours de la grande étape. La faire avec Julien a été très fort et émouvant, et nous a rapprochés. Il est assez peu probable que nous la refassions un jour, mais je ne peux que souhaiter à tous ceux que ça tente de vivre l’aventure !

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